Les couleurs de l'enfance

 

                      Encre 

     L'écriture  dans ma propre histoire par Nadine

   

 

C'est peut-être l'encre qui m'a le plus marquée : dans mon corps d'abord : je revois les taches d'encre sur les doigts de ma main droite, voire, au bout du majeur trempé dans l'encrier et ressorti tel une poupée à tête violette. L'institutrice, Madame Fraboulet, la préparait dans une grande bouteille, et remplissait les encriers à la demande, en fonction des besoins. J'aimais tremper la plume dans le liquide sombre, puis tracer des pleins et des déliés sur mon cahier d'écolière. J'étais fascinée par l'aspect doré de l'encre juste déposée sur le papier, pas encore sèche. Pourquoi était-ce doré ? Sans doute parce que l'écriture est une richesse, la lecture un trésor et le papier une mine d'or ! L'encre m'intéressait beaucoup, mais pas au point de la goûter : j'imagine quel goût cela aurait eu : le goût de betterave ? le goût de choux rouge ? Ou-bien un goût très décevant de médicaments, un peu comme le bleu de méthylène qui avait servi à traiter une infection buccale de mon frère. Quelques années après mes premières lignes d'écriture, j'ai découvert le stylo-plume à pompe : on pouvait ainsi choisir sa couleur d'encre. J'avais évidemment un faible pour l'encre rouge... Mais la bouteille d'encre a vite été supplantée par la cartouche d'encre : finie la poésie ! Encore quelques années plus tard, j'ai renoué avec mon goût pour l'encre rouge : au cours d'un voyage en Chine, un camelot proposait de graver son prénom sur un sceau, et vous vendait le sceau plus le tampon d'encre rouge : quel joli souvenir ! Et encore plus tard, je me surprends à écrire régulièrement à l'encre rouge, rose, orange, violette, verte... Me croyez-vous ? Pour preuve aujourd'hui encore, je suis une consommatrice invétérée de stylos à encre rouge. Pourquoi pas du noir, ou du bleu ? Trop banal ! J'ai zappé un passage plus terne de mon rapport à l'encre : je parle de la courte période où j'ai bossé comme secrétaire, et où j'étais amenée à préparer des stencils... Attention aux fautes de frappe, les corrections étaient d'un compliqué, avec une sorte de vernis pour reboucher les perforation du stencil : tout un art. Vous ne savez pas ce qu'est un stencil ? Ceci est une autre histoire, bien trop longue à expliquer, mais qui remonte aux années 70 – 80, bien avant la généralisation de la photocopie puis l'avènement de l'ordinateur... Nadine

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